En 2007, le logiciel de traitement de texte Word a fait sa révolution copernicienne : les polices réservées aux titres sont devenues par défaut celles que l’application phare de Microsoft attribue au corps du texte. Pourquoi ? Quelles conséquences ? Ce changement, tout sauf anodin, marque une étape décisive dans l’évolution de l’écrit vers une lisibilité accrue. En fait, on a fait de ce critère une véritable obsession.
Je m’en souviens comme si c’était hier. Retiré dans une maison familiale pour avancer dans l’élaboration d’un texte auquel je tenais beaucoup, je découvrais, grâce à un ami qui m’avait transmis sa clé de licence, le nouveau Word, tout beau tout neuf. Et que découvrais-je ? Que les règles, inculquées depuis mon enfance informatique, se trouvaient renversées. Tête en bas. Non pas adaptées, différentes, « relookées », mais inversées. Ni plus ni moins. Exit Times New Roman, bienvenue Calibri.
Evolution anecdotique ou changement fondamental ?
Qui pense encore à ce changement aujourd’hui ? J’avoue mettre une part de mon obsession intellectuelle dans une question peut-être réglée d’office. La prédominance des écrans impliquait forcément une refondation des cadres visuels porteurs de texte. C’était l’intérêt de la cleartype technology. Sachant que Times New Roman, la police universelle jusqu’alors, avait été créée dans les années 30 pour le journal britannique The Times, il s’agissait simplement de passer à autre chose. Plus de clarté, plus de visibilité, plus d’efficacité. Le réglage par défaut de la nouvelle taille de police calibri passait d’ailleurs à 11, contre 12 auparavant, comme s’il fallait narguer les nostalgiques du monde ancien : c’était déconcertant, c’était plaisant, c’était moderne [i].
Comment dire ? Ces explications me laissent sur ma faim, pour deux raisons :
- Microsoft a d’abord cherché à adapter ses polices d’écriture. On a éclairci, adapté, proposé, tergiversé… Puis Bill Gates prend la décision de renverser la vapeur. On n’adapte pas : on inverse. On arrête de tergiverser, on tranche. On cesse de retoucher par-ci, de corriger par-là : on prend le taureau par les cornes, on met les charrues avant les bœufs.
- L’évolution graphique des textes imprimés ne suit pas la généralisation du mode de lecture sur écran, elle la précède.
- En plus d’avoir une cause, ce changement comporte des conséquences. Il s’agissait de faire lire mieux, ne voilà-t-il pas qu’on lit moins.
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